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*Texte A - Gustave FLAUBERT, Lettre à Victor Hugo, Croisset, 15 juillet 1853*
Texte B - Gustave FLAUBERT, Lettre à Louise Colet, Croisset, 15 juillet 1853*
Texte C - Gustave FLAUBERT, Lettre à Mademoiselle Leroyer de Chantepie, Croisset, 8 octobre 1859*
Texte D - Gustave FLAUBERT, Lettre à Jeanne de Tourbey, Croisset, 8 octobre 1859*. Texte A - Gustave FLAUBERT, Lettre à Victor Hugo, Croisset, 15 juillet 1853. [Grand admirateur de Victor Hugo, Flaubert entretint avec lui une relation épistolaire, en particulier après le coup d'État de Louis-Napoléon Bonaparte; Victor Hugo est alors en exil.] Croisset, 15 juillet [1853]
Comment vous remercierai-je, Monsieur, de votre magnifique présent1 ? Et qu'ai-je à dire ? si ce n'est le mot de Talleyrand à Louis-Philippe qui venait le visiter dans son agonie: "C'est le plus grand honneur qu'ait reçu ma maison !" Mais ici se termine le parallèle, pour toutes sortes de raisons.
Donc, je ne vous cacherai pas, Monsieur, que vous avez fortement comme eût écrit ce bon Racine ! Honnête poète ! et quelle quantité de monstres il trouverait maintenant à peindre, autres et pires cent fois que son dragon-taureau2.
L'exil, du moins, vous en épargne la vue. Ah ! si vous saviez dans quelles immondices nous nous enfonçons! Les infamies particulières découlent de la turpitude politique et l'on ne peut faire un pas sans marcher sur quelque chose de sale. L'atmosphère est lourde de vapeurs nauséabondes. De l'air ! de l'air ! Aussi j'ouvre la fenêtre et je me tourne vers vous. J'écoute passer les grands coups d'ailes de votre Muse et j'aspire, comme le parfum des bois, ce qui s'exhale des profondeurs de votre style.
Et d'ailleurs, Monsieur, vous avez été dans ma vie une obsession charmante, un long amour; il ne faiblit pas. Je vous ai lu durant des veillées sinistres et, au bord de la mer sur des plages douces, en plein