Sabrina Vega Français: dissertation Sujet n°3

« C'est pourquoi il faut ouvrir le livre et soigneusement peser ce qui y est traité. »
François Rabelais, Gargantua, Prologue En parlant de Gargantua a un ami, il m’a dit qu’il avait entendu dire que c’était l’histoire d’un homme gros qui passait son temps à manger. En regardant les peintures, gravures et caricatures de Gargantua, on peut voir des bébés énormes, joufflus, braillant à tour de bras, des ogres gigantesques, nourris à la fourchette, à la cuiller, tordus, difformes, horribles et gras. Et pourtant, en s'interrogeant sur ce qui est le plus marquant dans cette histoire, une des premières choses qui nous vient à l’esprit est Thélème, flamboyante abbaye humaine et chaleureuse. D’où vient ce décalage qui semble irréel entre ce que le texte semble dire, et ce qu’il semble paraître? Il vient très exactement de l’ingéniosité lucide de Rabelais. À ce petit jeu, le prologue nous y prépare très bien: il est une mise en garde à l’adresse du lecteur, le prévenant que parfois il ne vaut mieux pas se fier aux apparences. Et pour cela, Alcofribas Nasier use de bien des métaphores. En premier viennent Socrate et les Silènes, semblables par leur aspect rebutant, mais cachant de vrais trésors: «Alcibiade disait que Socrate leur était semblable, parce qu’à le voir du dehors et à l’évaluer par l’aspect extérieur, vous n’en auriez pas donné une pelure d’oignon, tant il était laid de corps et d’un maintien ridicule, le nez pointu, le regard d’un taureau, (...) Mais, en ouvrant cette boîte, vous y auriez trouvé une céleste et inappréciable drogue: une intelligence plus qu’humaine, une force d’âme merveilleuse, un courage invincible, une sobriété sans égale...» (François Rabelais, Gargantua, Paris, Pocket, 2012, pp.36-37). Puis il nous alerte clairement quant aux dangers de prendre ses ouvrages comme «...des moqueries, folâtreries et joyeux mensonges, puisque l’enseigne extérieure (c’est le titre) est, sans chercher plus loin,