Guerre et complexité
Classiquement on définit la guerre comme l'opposition antagonique entre deux Etats souverains, ou entre deux (ou plus selon le jeu d'alliance) acteurs souverains, rationnels, considéré comme des entités unitaires. Ce modèle " newtonien ", dans lequel le jeu de force se mesure linéairement en fonction du potentiel militaire, du poids des armes, où la puissance est fonction du nombre de troupe, de leur qualité, et de facteurs internes ou externes variables (moral, conditions économiques etc.), ne peut répondre aux besoins pratiques du stratège, qui, non seulement ne peut véritablement quantifier l'ensemble de ces facteurs, doit faire face à l'imprévisibilité des événements. La pratique de la guerre est, concrè7tement, un jeu entrelaçant le déterminisme des volontés humaines, et l'indéterminisme des facteurs impondérables et aléatoires. Ces derniers sont accrus du fait que les acteurs en jeu dans une guerre ne se réduisent pas à la seule souveraineté des pouvoirs légitimes. Ces derniers sont par ailleurs traversés de clivages d'intérêts ou d'opinions qu'il est possible d'exploiter en vue d'affaiblir leur cohésion. D'autre part, les conditions mêmes de la guerre, et comprenant en cela non seulement le succès ou l'insuccès des engagements, mais aussi la cohérence entre les pratiques guerrières et les normes socialement acceptées, peuvent influer sur l'adhésion populaire aux objectifs militaires : les guerres se perdent aussi par affaiblissement de la volonté populaire à consentir aux sacrifices qu'elles impliquent.
Clausewitz a remarquement pu mettre en évidence l'interpénétration des facteurs déterminant la conduite de la guerre. Il a pu avoir l'intuition de la nature non linéaire des conflits, en tenant compte de la diversité des facteurs - poids des armes, opacité du théâtre de guerre, simultanéité des actions des belligérants, hasards, conditions géographiques et la pratico-inertie s'opposant, comme détermination