Guerre
Les espions (G.-H. Clouzot, 1957)
La mort aux trousses (North by Northwest, Hitchcock, 1959)
Dr Folamour (Dr Strangelove, S. Kubrick, 1963)
La Guerre Froide appartient à une période historique révolue, qui tend à s’effacer dans les mémoires [1]. Les souvenirs qui restent évoquent des images contradictoires. D’un côté un affrontement sans merci entre deux systèmes, deux groupes d’Etats, deux puissances mondiales, opposées sur tous les plans, hérissées d’armes nucléaires qui comportaient une virtualité d’anéantissement général et complet. De l’autre un monde ordonné par cette division même, hiérarchisé autour de ces puissances mondiales, en définitive lisible et prévisible parce que devenu stable. La sortie du jeu a fait justice de cette illusion, que certains regrettent parfois, parce qu’elle simplifiait et régularisait les relations internationales, la stratégie nucléaire et la dissuasion interdisant tout affrontement armé direct entre les protagonistes. Aujourd’hui, une situation internationale plus trouble, dont la maîtrise semble perdue, alimente une tentation nostalgique, celle des lignes claires de la Guerre Froide, en oubliant au passage ses risques, ses crises, ses ambiguïtés et la dépossession d’eux-mêmes qu’elle représentait pour de nombreux peuples.
En réalité, la Guerre Froide n’était pas moins ambiguë. L’ambiguïté était même en son cœur, puisqu’elle n’était pas une guerre, et qu’elle reposait sur une dialectique du politique et du militaire particulièrement complexe. Chacune de ces dimensions, politique et militaire, comportait elle-même ses propres ambiguïtés. L’affrontement politique était radical, les systèmes et les ambitions inconciliables, mais ils n’empêchaient ni les relations régulières, ni les compromis, ni l’entente sur un duopole commun – le « condominium [2] » parfois dénoncé de l’extérieur. La confrontation militaire n’était pas moins redoutable. Les partenaires dominaient des alliances militaires