Héros antihéros
Introduction
À l'origine, dans l'Antiquité, le récit épique racontait les aventures merveilleuses, voire surhumaines de « héros » légendaires ou idéalisés, tel Ulysse, héros de l'Odyssée d'Homère. Pendant longtemps, les héros romanesques, au sens étymologique et traditionnel du terme, se devaient aussi d'accomplir des exploits extraordinaires pour mériter ce titre. Aujourd'hui, le héros de roman ne désigne plus que le personnage principal d'une histoire et ce statut peut être assumé par des personnages médiocres, voire des antihéros. Zola prétendait que « le premier homme qui passe est un héros suffisant ». Cette évolution, remettant en question la définition et la nature du héros, nous amène à nous demander si, pour intéresser le lecteur, le roman doit mettre en scène des héros accomplissant des exploits héroïques ou des personnages ordinaires. Autrement dit, le héros de roman doit-il nécessairement avoir une dimension héroïque, prendre son destin en mains pour captiver le lecteur ? Des personnages ordinaires, plus banals, plus passifs, à l'instar du narrateur d'Un homme qui dort de Perec qui déclare : « Tu te sens peu fait pour vivre, pour agir, pour façonner », ne peuvent-ils pas tout aussi bien jouer ce rôle ?
Nous verrons tout d'abord pourquoi le roman doit plutôt mettre en scène des héros accomplissant des exploits héroïques pour susciter l'intérêt des lecteurs, puis en quoi des personnages très ordinaires et plutôt passifs sont tout autant capables de capter l'attention. Nous nous demanderons pour finir si ce n'est pas tant le statut du héros que l'art du romancier qui permet de rendre intéressant le destin des personnages, qu'ils soient héroïques ou ordinaires.
I. Des héros… héroïques fascinants
1. Des êtres hors du commun pour s'évader
Dotés de qualités physiques ou morales exceptionnelles et lancés dans des aventures exaltantes pour permettre au lecteur de rêver, de s'évader de la banalité du quotidien : tels sont les héros