Hugo entre legende et chanson
Ludmila Charles-Wurtz (Université de Toulon)
David Charles (Université du Havre)
Hugo entre Légende et Chansons, la sortie du peuple de sa minorité poétique
Les Chansons des rues et des bois, dont Hugo élabore le programme d'écriture à l'été 1859, font explicitement rupture avec La Légende des siècles, dont la "Première Série" paraît au même moment. Au livre majeur de la Légende succède le recueil mineur des Chansons ; mineur, tant dans ses formes (chanson, proverbe, charade - toutes formes orales) que dans ses objets : la maxime Paulo minora canamus est au principe de son écriture, contredisant ainsi le précepte de Virgile à l'oeuvre dans la Légende : Paulo majora canamus. Cet échange d'une poésie majeure contre une poésie mineure, qui, du reste, concerne aussi bien le rapport des Chansons au grand recueil lyrique des Contemplations que leur articulation avec la grande épopée de la Légende, inaugure un nouveau régime poétique, où le peuple doit être non plus seulement l'objet ou le destinataire du texte, mais son énonciateur. Est-ce à dire que le peuple ne saurait être poétiquement majeur qu'au sein d'une poésie mineure ? Promesse de sa majorité politique, déçue par le réel mais tenue par la fiction, cette majorité poétique pose problème dans la confusion qu'elle implique entre poésie mineure et poésie populaire.
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La Légende des siècles est un grand livre, qui veut "exprimer l'humanité (...) sous tous ses aspects" ; dire l'"immense mouvement d'ascension vers la lumière" d'une "grande figure", d'un "grand individu collectif" - l'Homme[1]. Ce livre est d'ailleurs si grand que l'inachèvement, voire l'écroulement, est constitutif de son projet. C'est, selon la préface de la Première Série, "la première page d'un