Humanitaire pour quelle humanité?
Il faut savoir que les choses sont sans espoir et tout faire pour les changer.
Rainer Maria Rilke
INTRODUCTION
Ce texte a été élaboré en vue d’une présentation au 77ème Congrès de l’ACFAS (Association Francophone pour le savoir) d’Ottawa de 2009, dans le but d’alimenter un débat multidisciplinaire axé sur les politiques de vie et les formes de bio politique présentes au cœur des médecines humanitaires contemporaines.
Ce texte vise ici essentiellement à cerner les implications de l’humanitaire « minimaliste » revendiqué par Médecins Sans Frontières et qui se traduit depuis quelques années par une radicalisation de l’approche « centrée sur le patient » en réponse aux multiples manipulations politiques dont a été et est toujours victime l’humanitaire dit indépendant, surtout depuis les années 90 et la fin de la guerre froide.
Pour comprendre les principaux enjeux autour de cette question, un survol historique de l’humanitaire nous permettra de mieux cerner la particularité de MSF. Nous verrons que si une radicalisation de l’approche « centrée sur le patient » n’est pas complètement dénuée de pertinence et de grande lucidité politique dont font preuve peu d’organisations humanitaires, elle rend toutefois l’organisation aveugle au rapport inévitablement technique, instrumental et dangereusement déshumanisant qu’induit cette approche.
Ceci nous permettra de revisiter la notion de « proximité », chère à l’organisation, mais aussi symptomatique de son malaise profond dans son rapport à autrui.
Tirant sa légitimité d’une impartialité revendiquée et mal questionnée, l’approche préconisée par MSF installe l’organisation dans une position qui l’empêche de penser aux conséquences de son action et surtout d’assumer l’imaginaire à la source de ses orientations idéologiques et l’emprise de sa technobureaucratie administrative. De plus, en délimitant de façon si précise son « objet » (la victime), l’organisation se place