Hérésie cathare
Par Anne Brenon, spécialiste des hérésies médiévales.
D'abord concrétisé sous la figure des divinités du paganisme que le christianisme romain des premiers siècles rejetait au rang d'idoles et abattait, le personnage du diable achève de se cristalliser à l'aube du Moyen Age. Se profile alors, dans l'imaginaire roman, la silhouette inquiétante et grotesque, effroyable et rutilante, du tentateur, du mauvais, ce cornu aux sabots fourchus dont la fonction est d'entraîner les âmes damnées dans la gueule de l'enfer.
Le diable chrétien est d'abord l'empereur de l'enfer éternel. Il est le prince de ce monde, répondent les hérétiques que l'usage actuel veut qu'on appelle les cathares. Eux-mêmes, dès la fin du XIIe siècle, sont dénoncés et réprimés par l'Eglise romaine comme « manichéens », car posant l'existence de deux dieux, l'un bon et l'autre mauvais, et parfois même accusés, contre toute vraisemblance, de culte satanique. De fait, dans notre Moyen Age, les cathares représentent le seul mouvement chrétien dualiste. A ce point que, longtemps, l'historiographie a fait d'eux, à l'instar de la critique médiévale, de véritables néomanichéens, extérieurs à la culture occidentale et même au christianisme. Ce que réellement doit - et surtout ne doit pas - le catharisme médiéval au manichéisme antique est aujourd'hui encore mal clarifié. La présente réflexion tentera de faire la lumière sur ce point. Mais on ne perdra pas de vue le fait que les courants de pensée dualiste eux-mêmes, entre les IIIe et XIIIe siècles, ont pu jouer quelque rôle dans l'élaboration de la figure du diable ou, inversement, se trouver eux-mêmes diabolisés, dans un même élan, par l'orthodoxie chrétienne militante.
Le manichéisme est une religion à part entière, élaborée par son fondateur, Mani,