Intimité et paraplégie
Durant notre formation, nous sommes fréquemment confrontés à des situations difficiles. Ces situations sont bien souvent pénibles car elles nous renvoient des émotions intenses, engendrent des remises en cause de nos pratiques et de nos représentations.
Lors de mon stage de médecine en 3ème année, dans un foyer hébergeant des handicapés moteurs, je fus amenée à pratiquer quotidiennement des extractions manuelles de fécalome. La première fois que j’ai assisté à ce soin, l’infirmière qui exécutait le geste me précisa : « La première fois ce n’est pas évident mais avec l’habitude on s’y fait ». Qu’est-ce que cette phrase voulait dire réellement ? En quoi l’habitude rend ce soin plus facile à réaliser ?
De plus avant d’effectuer ce geste pour la première fois, je l’appréhendais. J’avais peut être l’impression de rentrer dans l’intimité du patient ou peut être de froisser la mienne. En y réfléchissant un peu plus, je me suis rendue compte que j’avais rencontré cette situation plusieurs fois lors d’autres soins : toilettes, toilettes intimes, pose de sonde urinaire, pansement d’escarre sacrée. Puis en échangeant autour de ce sujet avec des infirmiers et des étudiants en soins infirmiers, j’ai constaté qu’en réalité le ressenti des professionnels était rarement évoqué voir qu’il pouvait être un sujet tabou.
Etant donné que la relation de soin a lieu entre deux êtres humains donc possédant des émotions, si un soin peut avoir autant d’impact sur les soignants, il doit également en avoir sur les patients.
J’ai donc orienté mon travail sur le ressenti lors des soins intimes. Mon travail sera axé sur les soins intimes aux personnes devenues paraplégiques accidentellement. En effet, elles doivent faire face à un changement de vie brutal, s’adapter à leur handicap, à leur nouvelle image corporelle ; elles doivent se reconstruire autour de ce handicap, accepter une perte d’autonomie et donc une dépendance, du jour au lendemain.