Invocation
Enfant blonde aux doux yeux, ô rose de Norvège,
Qu’un jour j’ai rencontrée aux bords du bleu Léman,
Cygne pur émigré de ton climat de neige ! Je t’ai vue & je t’aime ainsi qu’en un roman, Je t’aime & suis heureux comme si quelque fée Venait de me toucher avec un talisman.
Quand tu parus, naïve & d’or vivant coiffée,
J’ai senti qu’un espoir sublime & surhumain
Soudain m’enveloppait de sa chaude bouffée. Voyageur, je devais partir le lendemain ; Mais tu m’as pris mon coeur sans pouvoir me le rendre, Alors que pour l’adieu je t’ai touché la main.
A ce dernier bonheur j’étais loin de m’attendre,
Et je me croyais mort à toutes les amours ;
Mais j’ai vu ton regard spirituel & tendre ; Et tout m’a bien prouvé, dans les instants trop courts Passés auprès de toi, blonde soeur d’Ophélie, Que je pouvais aimer encore, & pour toujours.
Et je ne me dis pas que c’est une folie,
Que j’avais dix-sept ans le jour où tu naquis ;
Car le triste passé, je l’efface & l’oublie,
Et tu ne peux savoir à quel point c’est exquis !
François Coppée
François Coppée naît à Paris, le 26 janvier 1842. Modeste employé au Ministère de la Guerre, il attend de se faire un nom en tant qu'auteur dramatique ou poète. Inspiré des Parnassiens, Hugo, Leconte de Lisle ou de Bainville, son premier recueil, 'Le Reliquaire', en 1866, ne retient pas l'attention du public. Délaissant ces pères, il adopte un style plus simple. Devenant le poète des réalités quotidiennes, il se révèle avec 'Les Intimités en 1868, et surtout avec 'Les Humbles en 1872, recueil dépeignant avec simplicité l'humanité des petites gens. Mais le succès, François Coppée ne le trouve véritablement qu'avec ses pièces de théâtre. 'Le Passant, en 1869, est une comédie retentissante. 'Les Jacobites en 1885 lui confirme l’appui du public. Archiviste de la Comédie Française depuis 1878, Coppée abandonne son poste au