Juliette
(...)
ROMÉO, à un valet, montrant Juliette. - Quelle est cette dame qui enrichit la main de ce cavalier, là-bas ?
LE VALET. - Je ne sais pas, monsieur.
ROMÉO. - Oh ! elle apprend aux flambeaux à illuminer ! Sa beauté est suspendue à la face de la nuit comme un riche joyau à l'oreille d'une Éthiopienne ! Beauté trop précieuse pour la possession, trop exquise pour la terre ! Telle la colombe de neige dans une troupe de corneilles, telle apparaît cette jeune dame au milieu de ses compagnes. Cette danse finie, j'épierai la place où elle se tient, et je donnerai à ma main grossière le bonheur de toucher la sienne. Mon coeur a-t-il aimé jusqu'ici ? Non ; jurez-le, mes yeux ! Car jusqu'à ce soir, je n'avais pas vu la vraie beauté.
TYBALT, désignant Roméo. - Je reconnais cette voix ; ce doit être un Montague... (À un page. ) Va me chercher ma rapière, page ! Quoi ! le misérable ose venir ici, couvert d'un masque grotesque, pour insulter et narguer notre solennité ? Ah ! par l'antique honneur de ma race, je ne crois pas qu'il y ait péché à l'étendre mort !
PREMIER CAPULET, s'approchant de Tybalt. - Eh bien ! qu'as-tu donc, mon neveu ? Pourquoi cette tempête ?
TYBALT. - Mon oncle, voici un Montague, un de nos ennemis, un misérable qui est venu ici par bravade insulter à notre soirée solennelle.
PREMIER CAPULET. - N'est-ce pas le jeune Roméo ?
TYBALT. - C'est lui, ce misérable Roméo !
PREMIER CAPULET. - Du Calme, gentil cousin ! laisse-le tranquille ; il a les manières du plus courtois gentilhomme ; et, à dire vrai, Vérone est fière de lui, comme d'un jouvenceau vertueux et bien élevé. Je ne voudrais pas, pour toutes les richesses de cette ville, qu'ici, dans ma maison, il lui fût fait une avanie. Aie donc patience, ne fais pas attention à lui, c'est ma volonté ; si tu la respectes, prends un air gracieux et laisse là cette mine farouche qui sied mal dans une fête.
TYBALT. - Elle sied bien dès qu'on a pour hôte un tel