La couleur rouge dans tous les matins du monde
Dans la pièce Fin de Partie de Samuel Beckett, les visages de Hamm et Clov sont d’emblée décrits comme rouges, rouges comme le mouchoir qui symbolise le rideau théâtral, portant à lui seul toute une symbolique. Tous les matins du monde de Pascal Quignard développe aussi cette thématique de la couleur, qui permet oppositions, effets esthétiques et symboliques autour des personnages, dans le film comme dans l’œuvre écrite. Nous verrons ainsi quelles significations nous pouvons attribuer à la couleur la plus riche, la plus profonde qui y apparaît : le rouge. Le rouge est avant tout emblème de vanité, donc d’une certaine futilité, mais aussi dans le sens pictural de terme, nourrissant par ce biais les autres thèmes développés par l’œuvre.
Associée au pouvoir, à la quête des honneurs, quête vaine et motivée par l’orgueil ou un besoin de reconnaissance, elle prend corps à travers les personnages. Ainsi, Monsieur de Sainte Colombe est dans le film vêtu d’un costume noir et austère, et ce dès sa première apparition, au chevet d’un homme mourant : il est d’emblée opposé à Marin Marais, qui est lui habillé d’un pourpoint rouge vif lorsqu’il se présente à la propriété. A l’image des couleurs qui leur sont attachées, ce sont deux conceptions tout à fait différentes de la musique et de l’existence qu’ils vont développer en parallèle au fil du récit, Marin arborant de nouvelles fioritures rouges et dorées sur ses vêtements, autant de gallons ridicules, au fur et à mesure de son élévation sociale.
C’est aussi la Vanité artistique, ce genre pictural, qui donne la part belle au rouge. Composition allégorique qui suggère que l'existence terrestre est vide, vaine, renvoyant l’homme à sa propre précarité, elle est omniprésente dans le film comme dans le livre et représente bien ce monde de la Cour du Roi Soleil, où tout n’est finalement que qu’apparences, images sans fond et illusions.