la création des identités nationales
Disons tout de suite que la lecture de cet ouvrage est indispensable pour tous ceux qui ont à traiter des identités nationales car il donne de nombreux exemples pris dans l’ensemble du continent européen. Son plan reprend les trois phases de Hroch (découverte d’une culture nationale, agitation patriotique et mouvement de masse) et valide le modèle. L’auteur en critique cependant un aspect : la restriction sociologique aux groupes privilégiés pour la première phase.
Si l’ouvrage d’Anne-Marie Thiesse apporte de nombreuses informations sur les identités nationales européennes, il ne remplace pas le livre plus théorique d’Er. Hobsbawn, Nations et nationalisme depuis 1789, Paris, Gallimard, coll. Bibliothèques des Histoires ; il l’éclaire. En effet, A.-M. Thiesse se soucie peu de la sociologie des acteurs du nationalisme européens. Or, cette dimension est importante. Je cite un exemple : "[le nationalisme linguistique basque] s’enracinait dans le ’milieu conservateur, catholique et petit bourgeois’ urbain et côtier, qui réagissait contre la menace d’industrialisation et le socialisme prolétarien des immigrants sans foi ni loi qu’elle apportait, tout en rejetant la grande bourgeoisie basque que ses intérêts liaient a la monarchie espagnole" Hobsbawn, op. cit., 154. Ce relatif silence s’explique peut-être par le visage positif qu’A.-M. Thiesse donne aux nationalismes européens. A tel point que certaines phrases peuvent laisser penser que les liens entre nationalisme et extrême-droite sont récents. "Mais les extrêmes droites nationalistes ont investi elles aussi le legs ancestral : des chansons rocks exaltent les Vikings, les Celtes ou les Germains..." (282). Si l’auteur a raison de rappeler que le nationalisme ne se réduit pas à l’exclusion des autres et qu’il a parfois su comprendre et défendre les autres identités nationales, rien ne lui permet pour autant de minorer