La laitière et le pot au lait
C’est une des fables les plus connues de La Fontaine, et pour cause : elle est exceptionnelle dans le corpus de l’auteur dans la mesure où le personnage est humain – une femme. Dans ce tableau rustique, la fable se construit uniquement sur des glissements. Elle rejoint le débat sur le rôle de l’imagination : l’auteur nous communique ici toute une réflexion sur la méditation. Qu’est-ce que l’imagination ? A quoi nous porte-t-elle ? C’est le pouvoir contradictoire de la raison (désigné par la folle du logis)[1]. La structure est assez close : la fable s’arrête au vers 29, puis une longue méditation s’étend des vers 30 à 43.
I – Présentation de la jeune fille
A – Portrait physique
Dans les six premiers vers, Perrette est décrite comme une jeune femme séduisante. Le nom de Perrette est rustique en lui-même et pose immédiatement le décor. Elle a gardé ses habits de paysanne mais s’est habillée un peu différemment pour la ville. Le narrateur insiste sur sa séduction. Sa silhouette est tout en souplesse ; agile, elle est sûre de sa démarche. Le pot ai lait paraît en sûreté (v.2) et est posé sur la tête, siège des pensés. Le verbe prétendre (v.3), insiste sur ce qui va arriver : l’effet d’annonce d’une catastrophe maintient le lecteur en haleine.
B – Portrait moral
Des vers 7 à 11, La Fontaine passe aux mouvements intérieurs de la pensée et de l’imagination. La jeune femme fait une projection d’investissement et de rendement, une véritable prospective financière dans la mesure où elle estime déjà son profit. Le champ lexical de l’argent est représenté par six expressions en quatre vers : comptoit, prix, argent... A la célérité de sa marche (v.4), répond la vitesse de son esprit. La Fontaine dénonce cette anticipation (déjà, v.8). Trousser et pensée sont mis en rime, ce qui insiste sur l’aspect superficiel de la jeune fille, à mille lieues des réalités. Le pronom possessif notre (v.7) nous met en connivence avec cette jeune femme, et