La moralité au 17ème siècle
À la fin du XVIIe siècle, un vaste débat anime la France sur le danger moral des passions théâtrales. La querelle sur la moralité du théâtre soulève plusieurs questions :
d’où vient que le spectacle de la douleur soit au théâtre source de plaisir, et comment se fait-il que nous puissions éprouver de la compassion pour des êtres imaginaires ? Le théâtre n’était-il pas une école de mensonge par opposition à un art oratoire au service de la vérité ? Comment en fonder l’évidence afin de concilier la rhétorique des passions avec les vérités de la morale et de la raison ?
Au cours de la première moitié du siècle, on avait assisté, d'une part, à un débat esthétique et littéraire sur la dramaturgie qui, par-delà la question du respect des règles et des bienséances, avait mis en évidence le problème de la moralisation des passions3, d'autre part, à la campagne étonnamment violente menée par le clergé contre les acteurs qui se voyaient interdire les sacrements4.
Ce n'est toutefois que des années 1660 que l'on peut dater le début d'une querelle d'idées, caractéristique par la manière dont elle articule problèmes de nature esthétique et questions de morale religieuse. Deux phases principales peuvent être distinguées, l'une durant la décennie qui va de 1665 à 1675, et l'autre en 1694 autour de l'affaire Caffaro5. Une partie de la critique incline à voir dans la polémique janséniste contre les jésuites accusés de défendre une morale laxiste l'origine de la querelle sur le théâtre6. Cette interprétation laisse entendre que l'enjeu politique tient à l'antagonisme qui oppose au sein de l'Église les jésuites, alliés au pouvoir royal, et les jansénistes défenseurs d'un rigorisme religieux, qui exclut toute alliance avec le pouvoir. Dans une telle perspective, la querelle apparaît comme l'expression de la résistance de l'idéologie religieuse aux stratégies développées par le pouvoir politique pour s'approprier, avec