La paix perpétuelle a-t-elle un sens en tant qu’idéal, ou a-t-elle son fondement non dans l’idéal, mais dans la réalité même?
Nous pensons communément que la paix est simplement une sorte d’intermède entre deux états qui sont des états de guerre. On dit «allez, on fait la paix », mais le conflit revient vite, avec la nécessité à nouveau de « faire » la paix, comme si la paix devait toujours être établie et que l’état naturel de la relation, c’était nécessairement la guerre. En matière de philosophie politique, Kant ne déroge pas à cette opinion, il admet lui aussi que la paix doit être établie, mais à la différence du sens commun, il y voit un projet à long terme, un idéal à atteindre.
A atteindre comment ? Kant a-t-il en tête que pour que la paix soit présente perpétuellement, l’homme qui doit radicalement changer ? Non, pas du tout. La nature humaine est, selon lui, fondamentalement mauvaise, cependant, l’avènement du droit conduit à notre salut politique, car de sa mise en œuvre découle l’établissement de la paix. Ce que Kant partage avec les Lumières, c’est une foi dans l’abstraie réalité du droit et de son application. Il partage une foi non dans la mise en œuvre des traités de paix, mais dans le principe du droit. Ce qui est assez original et mérite que l’on s’y arrête. Dans le Projet pour une Paix perpétuelle, Kant entend consigner par écrit ce qui selon lui constitue les articles définitifs qui rendent possible les conditions juridiques grâce auxquelles toute guerre deviendra impossible.
Faut-il dénoncer le caractère illusoire de la paix perpétuelle ? Ou bien faut-il dénoncer la prétention à donner à la réalisation de la paix perpétuelle un fondement juridique ? La paix perpétuelle a-t-elle un sens en tant qu’Idéal, ou a-t-elle son fondement non dans l’idéal, mais dans la Réalité même?
A. Les règles fondamentales de la paix
Peut-on formuler un traité de paix perpétuelle, comme, à la suite d’un conflit on formule un traité de paix historique ? Il