III. Une vision tragique de l’homme
La peste paraît produire un double effet sur les habitants d’Oran : d’abord, elle vise à détruire les individus. Le narrateur évoque le progressif amenuisement des hommes dans la ville (“des promeneurs devenus plus rares, petits groupes”), jusqu’à leur disparition (“les rues étaient désertes”) et leur mort pure et simple (“leur tour était venu”).
Elle a aussi pour conséquence de désorganiser la société dans son ensemble. En effet, non contente de mettre fin à tout lien social (“gens pressés de rentrer chez eux”), elle ne reconnaît aucune hiérarchie. Dans le dernier paragraphe, elle investit les quartiers d’affaires : riches comme pauvres sont désormais touchés.
C’est donc un véritable chaos social (le vent “brouille les cartes”) contre lequel la défense des hommes, un mouchoir à la main, paraît bien dérisoire.
Parce qu’elle règne en maître, l’épidémie s’apparente à une forme de fatalité. Plusieurs indices vont dans ce sens : l’absence de liberté des hommes (lignes 2 à 4), leur entrée dans une histoire collective et la mort à laquelle conduit inexorablement la maladie. Cet extrait peut rappeler l’oeuvre de Sophocle, Œdipe roi, dans laquelle les dieux envoient la peste aux Thébains.
Quoi qu’en pensent les Oranais, leur destin est scellé. D’autres thèmes tragiques apparaissent : la clôture de l’espace (“prisonniers”, “île”), l’exil, la séparation des amants, et l’omniprésence de la mort.
Conclusion : cet extrait correspond à l’image de la condition humaine selon Camus (cf. épigraphe). L’emprisonnement des personnages représente aussi celui de
I. Un moment de paroxysme
On pourrait distinguer deux parties dans cet extrait.
- La première qui correspond au premier paragraphe constitue une pause dans la chronique. La peste ayant atteint un “sommet”, un “paroxysme” (“la peste avait tout recouvert”), l’heure est au bilan : on relève des connecteurs comme “ainsi”, “voilà pourquoi”. Le narrateur intervient en tant que tel dans le