La petite fille louche
Tout d’abord je lui fis effet par ma connaissance mathématiquement discrète d’Aristote, c’est-à-dire ponctuelle mais précise. Certes, au début du livre VIII de l’Ethique à Nicomaque Aristote distingue trois amitiés, selon le plaisir, le profit ou la vertu, mais quel en est le moteur ? On aime l’autre pour ce qu’il provoque en nous, pour ce qu’il nous apporte ; plus il nous ressemble, plus on prend plaisir à sa personne. Il se trouve qu’entre personnes vertueuses la source de l’amitié (et du plaisir à être ensemble) est plus stable que chez les collègues de vice ou de boulot. Car chaque vertueux est bon dans l’absolu et agréable à son ami, mieux : chaque action exprime le caractère (vertueux), et les amis vertueux ont un caractère parfaitement semblable, ils sont donc heureux d’être ensemble.
Mais surprise (et déception), les amitiés basées sur la vertu sont rares. Non seulement parce qu’elles demandent des gens vertueux, mais aussi parce qu’elles exigent du temps et des habitudes communes. Alors « si la volonté de contracter une amitié est prompte, l’amitié ne l’est pas ». [1] Pour l’amitié il faut des caractères semblables, c’est-à-dire non seulement de la vertu, mais aussi des à-côtés qui se ressemblent. Ainsi deux vertueux appréciant tous deux la pêche s’entendront mieux que si l’un pratique volontiers l’alpinisme et l’autre le farniente (encore plus s’ils ne vivent pas pas au même endroit).
Oscar était très content, il me paya même une bière (car je bois vite). Il était d’accord, « En effet » a-t-il dit. La possibilité qu’il s’en fichât était écartée, je continuais. « Mon brave Oscar, oserai-je t’avouer que cette attention au texte