La poésie romantique est-elle prisonnière du moi ?
La poésie romantique accorde une place prépondérante aux tourments intérieurs, aux interrogations sur soi et aux introspections. La poésie, expression d’une souffrance, d’un déchirement se décline sur des registres sombres. Elle conduit pourtant le poète à s’engager sur d’autres plans. Comment passe-t-on de cette dimension lyrique, introspective à l’ouverture sur le monde ou à l’engagement politique ?
Le poète souffre – il a une sensibilité exacerbée, une conscience aiguë du temps qui passe et de son impuissance. Lamartine clame sa douleur dans le fameux Lac où Musset adoptant la forme originale du dialogue avec la muse affirmant « les cris désespérés sont les chants les plus beaux »… Les poètes sont pris dans les lacs de la conscience douloureuse, ils tirent de cette souffrance sentimentale occasionnée par la mort de l’être aimé ou la séparation – la matière de leur art. Le lyrisme trouve à cette occasion des accents de sincérité, un souffle qui vient du cœur.
Pourtant – la poésie est par définition expression – elle est partagée – commentée, apprise par cœur – elle appartient à une génération. Plus qu’une prison, on peut la considérée comme un espace. Les paysages évoqués dans le Lac qui a pour cadre le lac du Bourget où la nature prise à témoin par Marceline Desbordes-Valmore ou Victor Hugo favorisent l’union des cœurs, créent un patrimoine commun, une sensibilité partagée. Les moissons, les tiges, les flots, les nuages tourmentés sont une constante de la poésie romantique. Gérard de Nerval affirme même que tout est sensible. Le poète est un traducteur, un intermédiaire entre le monde sensible et la sensibilité du lecteur. Les réussites politiques résultent pour l’essentiel de l’effort pour briser les limites du moi et accéder à l’universalité. « La nature est un temple où de vivants piliers / laissent parfois paraître de confuses paroles ». Le poète – Baudelaire ou Nerval décrypte la nature,