la première promenade de rousseau
J’écrivoJe ferai sur moi-même à quelqu’égard, les opérations que font les physiciens sur l’air pour en connoître l’état journalier. J’appliquerai le barometre à mon ame, & ces opérations bien dirigées & long-tems répétées me pourroient fournir des résultats aussi sûrs que les leurs. Mais je n’étends pas jusque-là mon entreprise. Je me contenterai de tenir le régistre des opérations sans chercher à les réduire en systême. Je fais la même entreprise que Montaigne, mais avec un but tout contraire au sien : car il n’écrivoit ses Essais que pour les autres, & je n’écris mes rêveries que pour moi. Si dans mes plus vieux jours, aux approches du départ, je reste, comme je l’espere, dans la même disposition où je suis, leur lecture me rappellera la douceur que je goûte à les écrire, & faisant renaître ainsi pour moi le tems passé, doublera pour ainsi dire mon existence. En dépit des hommes je saurai goûter encore le charme de la société, & je vivrai décrépit