Le théâtre de l’absurde

La représentation de la vie comme quelque chose d’absurde a toujours hanté les esprits lucides. Il s’agit d’un concept qui a beaucoup voyagé et qui a pris des sens différents selon les coordonnées socioculturelles des époques traversées. Rien qu’à l’époque de la modernité l’absurde est déjà présent dans les interrogations métaphysiques de Pascal (XVIIe s.) et dans le pessimisme de Schopenhauer (XIXe s.). La sensibilité morbide des romantiques (XIXe s.) apparaît comme un relais de cette attitude envers le monde et au XXe s. l’absurde sera lié chez Apollinaire au non-sens et à la rupture avec la logique chez les dadaïstes. Après la fracture de la Deuxième Guerre mondiale il prendra le visage de l’existentialisme et du théâtre de l’absurde à travers l’irrationnel tragique de la condition humaine que la destruction massive et systématique de la guerre avait mis à nu. La crise de l’identité individuelle sera ainsi confrontée à la crise du sens de l’histoire (les guerres, l’essor vertigineux de la technologie et la déshumanisation).

C’est dans cette optique que le théâtre de l’absurde abordera de grandes questions de l’humanité telles que le temps et la mort, la souffrance humaine et l’absence de Dieu. Il apportera d’autres changements importants : la réduction du décor et des effets théâtraux, la dépersonnalisation des personnages –parfois ils n’ont même pas de nom. Mais à la différence des pièces existentialistes, souvent engagées –Les mouches de Sartre ou Le malentendu de Camus, par exemple-, le théâtre de l’absurde se déploie dans des contextes incohérents, à la fois comiques et tragiques, auxquels vient s’ajouter le scepticisme. Le spectateur ou le lecteur se débattent souvent entre le rire sarcastique des situations paradoxales et le silence imposé par une transcendance d’ordre métaphysique.

D’autre part, la construction de cette représentation tragi-comique se fait à travers l’éclatement de la vision traditionnelle du langage et