La richesse stylistique de l'Ingénu
Il y a, dans l’Ingénu, plusieurs oxymores. Il y en a un lorsque l’Ingénu lit dans sa cellule et un autre lorsque l’amie de Mme de Saint-Yves vient la chercher en Basse-Bretagne. Dans le premier oxymore, l’Ingénu, alors enfermé à la Bastille, s’enrichit de poésie. Il plonge momentanément dans ses souvenirs. Il ne pense qu’à sa belle Saint-Yves. « Les vers qui parlaient d’amour portèrent à la fois dans l’âme de l’Ingénu le plaisir et la douleur . » Il y a une nette opposition entre le plaisir et la douleur. D’une part, l’Ingénu se réjouit, car les poèmes lui rappellent sa douce et tendre Saint-Yves. Ces souvenirs lui apportent réconfort dans cette dure épreuve. D’une autre part, il est confronté à la triste réalité. Il ne sait pas s’il reverra un jour sa bien-aimée. Il est loin d’elle, il se sent seul. Dans le deuxième oxymore, alors que l’amie tente de la ramener à son rendez-vous avec Saint-Pouange, elle se sent accablée par ses actes, elle a honte d’elle-même et rejette la responsabilité sur son amie. « Ah madame, dit-elle à la fatale amie, vous m’avez perdue ! » Il y a une divergence entre l’amitié et la fatalité. D’un côté, c’est elle qui a permis, indirectement, de libérer l’Ingénu, car elle a aidé et soutenu Saint-Yves tout au long de ses démarches. Elle est donc une amie, puisqu’elle est là pour l’aider. D’un autre côté, elle est fatale,