La servante au grand coeur
Ce poème est une des oeuvres de jeunesse de Baudelaire, antérieure à 1844. L'influence de La Comédie de la Mort, de Théophile Gautier y est sensible. Une certaine grandiloquence la marque. Mais d'un sujet en lui-même "bête et touchant", comme le dit Valéry, le jeune écrivain a su faire une oeuvre pathétique et profonde.
Vers 1-3
Ce début éveille des impressions complexes. La noblesse du ton s'unit à la familiarité, le style grave aboutit à un vers prosaïque. Le registre est celui de la conversation, mais entre gens qui surveillent leur expression (la rupture usuelle : la servante...nous devrions...est une anacoluthe; pourtant ne répond pas à un refus, mais traduit discrètement un reproche, ou une impatience. L'évocation de l'enfance (vers 1) et de la visite au cimetière (vers 2-3) échappe à la banalité par le jeu des contrastes : la servante s'élève au-dessus de sa condition par son grand coeur, et cette servante suscite la jalousie; la pauvre femme dort son sommeil sous une pelouse humble comme l'a été sa vie. Ce qu'on devine derrière les mots, c'est le grand reproche de l'enfant à la mère qui l'a "abandonné" pour se remarier : elle ne sait pas aimer, mais elle a voulu être aimée à l'exclusion de toute autre, et en particulier de la servante, mariette, qui a été une seconde mère.