La société post-industrielle
2/08/06
15:40
Page 11
Introduction arx pensait que l’histoire suivait des phases, et que le capitalisme n’en était qu’une étape. On découvre aujourd’hui que le capitalisme a lui-même une histoire, qu’il ne s’incarne pas au XXe siècle comme au XIXe, qu’il n’est pas semblable aujourd’hui à ce qu’il était hier. Le capitalisme du XXe siècle s’est construit autour d’une figure centrale: celle de la grande firme industrielle. Celle-ci instaure entre ses membres ce que Durkheim aurait pu appeler une solidarité mécanique. Les ingénieurs réfléchissent à la manière de rendre productifs les ouvriers sans qualification. Les dirigeants sont eux-mêmes salariés, et leurs objectifs rejoignent ceux de leurs subordonnés : protéger la firme des aléas de la conjoncture. De grands conglomérats sont constitués, qui réduisent les risques industriels. Ainsi, de manière à se prémunir contre d’éventuels retournements de la conjoncture climatique, une firme qui fabrique des maillots de bain cherchera, par exemple, à acquérir une entreprise de parapluies: quelle que soit la météo, ses ouvriers auront un emploi. À l’image de la société féodale, la société industrielle du XXe siècle lie un mode de production et un mode de protection. Elle scelle l’unité de la question économique et de la question sociale. Le capitalisme du XXIe siècle organise scientifiquement la destruction de cette société industrielle. Les différents étages de la grande entreprise industrielle sont dissociés les uns des autres. On
11
M
85170 – TROIS LEÇONS 03 PM
2/08/06
15:40
Page 12
T R O I S L E Ç O N S S U R L A S O C I É T É P O S T- I N D U S T R I E L L E
recourt aux sous-traitants pour les tâches réputées inessentielles. On regroupe les ingénieurs dans des bureaux d’études indépendants, où ils ne rencontrent plus guère les ouvriers. Les employés chargés du nettoyage, des cantines, du gardiennage sont, chacun, recrutés par des entreprises spécialisées. La