La théatralité dans les liaisons dangereuses de frears
La question de l'adaptation d'une œuvre littéraire doit être envisagée en termes de réécriture. La stratégie de Frears repose sur la mise en œuvre d'une esthétique théâtrale propre à rendre compte du caractère abstrait, voire cérébral, du roman de Laclos en refusant le réalisme au profit d'effets de mise à distance. La théâtralité désigne d'abord les caractéristiques de l'œuvre qui relèvent de l'esthétique théâtrale : jeu des comédiens, organisation de l'espace scénique, dramaturgie empruntant au genres de la comédie et de la tragédie. De manière plus précise, la mise en scène propose de façon récurrente un dispositif dans lequel Valmont et Merteuil manipulent leurs victimes sous les yeux d'un spectateur admiratif, reconduisant par cette mise en spectacle le principe même du théâtre. Enfin, la théâtralité est utilisée comme une métaphore centrale du film en définissant la société mondaine comme un théâtre dont les deux libertins sont à la fois acteurs et metteurs en scène. I. UN FILM THEATRAL a) Des personnages acteurs Le film présente deux manipulateurs prenant plaisir à tromper leur entourage : Merteuil joue à l'amie empressée et à la confidente attentive auprès de Mme de Volange et de Cécile, tandis que Valmont se fait passer pour un libertin repentant auprès de Mme de Tourvel. Le jeu grimaçant de Valmont comme l'emphase et les sourires moqueurs de Merteuil les désignent au spectateur comme des acteurs virtuoses. Leur cabotinage revendiqué inscrit le film dans une esthétique de théâtre. b) Un espace théâtralisé (cf. fiche « espaces scéniques ») Les plans d'attaque de la plupart des séquences proposent de manière constante un espace filmé frontalement qui souligne les effets de symétrie et les surcadrages. Il s'agit d'un espace théâtral, désigné comme tel par sa clôture et sa composition très étudiée. Le soin tout particulier que Frears apporte aux « entrées en scène » des personnages dès le début du film (cf.