la transformation de jean
Le face-à-face de Bérenger et Jean a lieu alors que l’invasion des rhinocéros a déjà commencé : on en a ri, mais on ne tardera pas à s’en inquiéter. Pour la première fois, le public assiste ici à la métamorphose - sur scène - d’un humain en rhinocéros. Métaphore des fascismes rampants et triomphants, la rhinocérisation de Jean est un moment clé de la pièce d’Eugène Ionesco : elle dénonce la soumission de tous à un mot d’ordre absurde et criminel.
I. Un moment de tension
A. Le dérèglement de la conversation
Une situation conventionnelle
Bérenger se rend chez Jean pour se réconcilier avec lui : ils viennent de se disputer au sujet des rhinocéros d’Asie et d’Afrique. On attend donc une scène de réconciliation et de pardon réciproque.
Le détournement
On note dès le début une discordance entre le ton mondain « je vous en prie » (lg.2), « mon cher Jean » (lg.80) de Bérenger, ses appels répétés à la réflexion « penser » (lg.10), « comprendre » (lg.19), « savoir » (lg.65), « réfléchir » (lg.49) et la véhémence de Jean, qui impose ses idées avec autoritarisme « il faut » (lg.45) ; « démolissons tout » (lg.55)
Un rapport de forces
Le noyau de la scène est donc cette lutte entre deux langages, celui de Jean tentant d’écraser celui de Bérenger « Bérenger recule » (lg.4). B. L’affrontement verbal
Les signes de tension sont très vite présents : ponctuation forte « ! » (lg.40), raccourcissement des répliques « personne … » (lg.42), interruptions répétées et succession d’impératifs « l’interrompant » (lg.43).
L’enchaînement des répliques
De plus en plus courtes, elles se succèdent rapidement et cet enchaînement a un sens. Notons que les mots repris d’une réplique à l’autre changent de signification (lignes 32-34 : la morale, lignes 36-37 : la nature) ou que les personnages " rebondissent " sur des antonymes : l’invitation à " bâtir " (lignes 53) de Bérenger est effacée par l’appel à la démolition (ligne 55) de Jean. Au fur et à mesure, les