La vie
Il se réveilla, toussa, éructa.
La quinte le reprit, l'oppressa, l'étouffa.
D'un coup, il fit sauter le chapeau qu'il n'avait plus ôté depuis des décennies.
Il en sortit des pluies de feu, de suies, de cendres.
Longtemps, il hoqueta, bava, tira la langue tel un loup, flancs ouverts, à bout de vie exsangue.
Pas de foule accourue, peu de flashes, de rares paysans de la montagne à vaches.
Alors, déçu, vexé, il referma la bouche, fit taire son étuve puis il se rendormit avec ses rêves de Vésuve.
Pierre Coran Le poisson rouge
Le poisson rouge
De mon école
A la rougeole
Il ne veut pas
Que chacun voie
Ses boutons rouges
Dès que l'eau bouge
Le peureux plonge
Sous une éponge
Moi je connais
La vérité
Mais je me tais
Le poisson sait
Que dans l'école
Je cache et colle
Mon chewing-gum
Sous l'aquarium.
Pierre Coran L’automne
L'automne au coin du bois,
Joue de l'harmonica.
Quelle joie chez les feuilles !
Elles valsent au bras
Du vent qui les emporte
On dit qu'elles sont mortes,
Mais personne n' y croit.
L'automne au coin du bois,
Joue de l'harmonica.
Maurice Carême Quand je redeviendrai petit
« Vous dîtes :
-C’est épuisant de s’occuper des enfants.
Vous avez raison.
Vous ajoutez :
- Parce que nous devons nous mettre à leur niveau. Nous baisser, nous pencher, nous courber, nous rapetisser.
Là, vous vous trompez. Ce n’est pas tant cela qui fatigue le plus, que le fait d’être obligé de nous élever jusqu’à la hauteur de leurs sentiments.
De nous élever, nous étirer, nous mettre sur la pointe des pieds, nous tendre.
Pour ne pas les blesser.
Janusz Korzack Puce-chien
Une puce prit le chien
Pour aller à la ville.
Au hameau voisin, à la station du marronnier, elle descendit.
- Vos papiers, dit l'âne coiffé d'un képi.
- Je n'en ai pas.
- Alors que faites-vous ici ?
- Je suis infirmière et fais des piqûres à domicile.