La vocation de savant
Emile David Durkheim naît le 15 avril 1858 à Epinal, en Lorraine (David, son prénom hébraïque est celui de son grand-père). Il est le dernier des cinq enfants d'une famille d'origine alsacienne : son père est né à Haguenau et sa mère à Charmes (Vosges). Le père, Moïse Durkheim, né en 1805, est rabbin d'Epinal, des Vosges et de la Haute-Marne et descendant de rabbins depuis huit générations. La mère, Mélanie Isidor, née en 1820, est issue d'une famille de marchands de bestiaux de Charmes.
C'est le rabbin Moïse Durkheim, connu comme un grand lettré, qui assure l'enseignement religieux de son fils. Emile possède une parfaite connaissance de la Torah et de quelques rudiments du Talmud. Son enfance se déroule au rythme du Shabath et ses fêtes juives, et il écrira dans les Formes élémentaires de la vie religieuse (1912) que "c'est le culte qui suscite ces impressions de joie, de paix intérieure, de sérénité, d'enthousiasme..." Son père semble avoir été l'adepte d'une certaine modernisation du judaïsme, s'intéressant à la science et la philosophie. Il est certainement un talmudiste rationaliste, qui s'oppose aux courants mystiques du judaïsme ou qui les ignore.
Le jeune Emile a douze ans lorsque survient la défaite de 1870. Épinal est envahie par les troupes allemandes à partir du 12 octobre 1870. La ville est occupée jusqu'au 30 juillet 1873, avant d'être restituée à la France, et bien entendu on accuse les Juifs d'être responsables de la défaite. Ces sombres événements ont pour effet d'accroître les sentiments patriotiques de la famille. Les enfants sont toujours appelés par leur prénom français, seule la langue française est parlée à la maison, où l'on rappelle tout ce que doit le judaïsme à l'émancipation engendrée par la Révolution de 1789.
C'est sans doute cette attirance pour la civilisation et la culture française qu'il a découverte au lycée, qui incite Emile à renoncer à la carrière de rabbin à laquelle il était destiné, et