Le baiser au lépreux

477 mots 2 pages
Il n'y a plus maintenant dans la pièce obscure, comme pour une expérience d'entomologie, que ce petit mâle noir et apeuré devant la femme merveilleuse. Jean Pélouyere ne bouge plus, ne lève plus les yeux : c'est inutile désormais; le voilà prisonnier des regards arrêtés sur lui. La vierge mesure l'oeil cette larve qui est son destin. Le beau jeune homme aux interchangeables visages, le compagnon du rêve de toutes les jeunes filles -celui qui offre à leurs insomnies sa dure poitrine et la courroie serrée des deux bras- il se dilue dans le crépuscule de cette cure, il se fond jusqu'à n'être plus, au coin le plus obscur du parloir, que ce grillon éperdu. Elle regarde son destin, le sachant inéluctable : on ne refuse pas le fils Pélouyere. Les parents de Noémie, s'ils vivent dans l'angoisse que le jeune homme se dérobe, n'imaginent même qu'aucune objection vienne de leur fille; elle n'y songe pas non plus. Depuis un quart d'heure, tout ce que doit lui donner la vie est là, se rongeant les ongles, se tortillant sur une chaise. Il se lève, il est encore plus petit levé qu'assis, et il parle, balbutie une phrase qu'elle n'entend pas et qu'il répète : "Je sais que je ne suis pas digne..." Elle proteste : "Oh ! Monsieur!..." Il s'abandonne à une crise folle d'humilité, reconnaît qu'on ne peut l'aimer et ne demande que la permission d'aimer. Les mots lui viennent, ses phrases s'organisent. Il a attendu jusqu'à vingt-trois ans pour expliquer son coeur à une femme. Il gesticule comme s'il était seul pour dépeindre sa belle âme, et en effet il est bien seul.
Noémie regardait la porte et ne s'étonnait pas; toujours elle avait ouï dire de Jean Pélouyere : "C'est un type, il est un peu timbré." Il parlait, et la porte demeurait close; rien ne vivait dans ce presbytère que ce bonhomme et ses gestes. Noémi se troubla, un désir de larmes l'étouffait. Jean se tut enfin et elle eut peur comme dans une chambre où l'on sait qu'une chauve-souris est entrée et se cache. Lorsque le curé et

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