Le bete humaine
I. Une puissance meurtrière :
Cette scène finale de La Bête humaine témoigne de la vocation narrative du train. Omniprésent dans l’action du roman, le train se révèle dans cet extrait à la fois comme force agissante et comme personnage. Livré à lui-même, pris d’un mouvement furieux et incontrôlable, le train caractérise ici une puissance terrifiante qui provoque l’effroi sur son passage : "l’épouvante glaça la gare, lorsqu’elle vit passer, dans un vertige de fumée et de flamme, ce train fou, cette machine sans mécanicien ni chauffeur".
Sa course, effrénée et folle, préfigure en quelque sorte une catastrophe dont la menace se lit dans les réactions de panique qu’il déchaîne : "Les employés étaient restés béants, agitant les bras.", "Tout de suite, le cri fut général", "Et l’on se précipita au télégraphe, on prévint.", "tous les appareils télégraphiques de la ligne tintaient, tous les cœurs battaient", "On tremblait de peur", "il terrifia". Notons en outre que sa chevauchée est notamment rendue par la répétition du verbe rouler, conjugué de surcroît à l’imparfait itératif ("il roulait, il roulait", "elle roulait, elle roulait").
Il est également intéressant de remarquer qu’en regard du train, largement humanisé, la gare, les cheminots et les voyageurs sont fondus dans une entité humaine anonyme assumée soit par des "on" impersonnels soit par des pluriels de généralité ("les employés", "tous les cœurs", "les victimes"). Certes, la focalisation s’opérant depuis le train lancé à grande vitesse, le paysage ne peut être que balayé du regard. Il reste pourtant que l’inversion est patente entre la représentation vitaliste de la machine et celle impersonnelle de l’homme. Cela traduit l’impuissance de l’homme face à la machine.
Il apparaît que ce train fou soit apparenté dans à une véritable bête humaine et ainsi aux antipodes mêmes de sa vocation première : la modernité.
II. La modernité du rail : une symbolique ambiguë
Ambivalente à travers