Le changement sans traitement
Baptiste Cohen* e regard aime la continuité : la théorie du point aveugle en apporte la preuve. Chacun se rappelle cette expérience où, à une certaine distance des yeux, un fragment d’image disparaît. Mais l’expérience ne s’arrête pas là. À ce fragment soustrait à la vue est substitué l’image de son environnement, l’image de ce qui lui sert de fond, généralement du blanc. Le point est là mais absent au regard ; l’image est fausse mais prend l’apparence du vrai. Le point semble, de ce point de vue, inexistant. D’une certaine manière, l’ouvrage de nos collègues H. Klingemann, L. Sobell, J. Barker et al., Promoting self-change from problem substance abuse (Face aux problèmes de drogues, Anne de Colbert Christophorov. promouvoir le changement par soi-même) et dont nous présentons ici, et en français, la synthèse du premier chapitre (voir page 90) a pour objet une réalité qui se situe bien dans notre champ de vision, mais qui pourrait révéler l’existence d’un point aveugle à la surface, pourtant ultra sensible, de l’addictologie française. Cette publication, encore récemment ignorée de nos bibliothèques, a été citée par Louise Nadeau lors du colloque “Médecine et addictions” des 29 et 30 avril 2004 pour souligner que “la plupart des patients, […], n’avaient pas besoin d’une intervention à moyen ou à haut seuil, mais d’un bon ‘coup de pouce’ motivationnel […] pour s’engager dans un processus de changement.” On reconnaît bien là le pragmatisme de nos cousins québécois. Mais qui sont ces “patients” qui n’auraient pas besoin de soins ? Quelle est leur expérience ? Ont-ils un savoir-faire particulier ? Faudrait-il le faire savoir ? Première phase, l’occultation : un fragment d’image disparaît. Chacun le sait, nombreux sont les usagers de produits psychoactifs qui, par eux-mêmes, sans soins, sans prise en charge, font évoluer leurs consommations afin d’en diminuer les risques, d’éviter les abus, d’échapper à la