Le discours de la méthode dans la psychologie des lumières
À maintes reprises au cours de son histoire, la psychologie a cherché à définir les normes de sa scientificité. Elle a ainsi façonné des marges intellectuelles et institutionnelles, et stipulé ce qui est à l’intérieur et à l’extérieur de ses frontières. Or, d’une part, la psychologie n’étant nullement un champ homogène, le singulier dénote, comme le disait Georges Canguilhem, un « pacte de coexistence pacifique conclu entre professionnels 1 ». La psychologie n’étant que ce que font les psychologues, les définitions reflètent les intérêts de l’instance qui les formule. D’autre part, la construction de marges ne se fait pas seulement à partir de définitions normatives et de positions d’autorité, mais implique l’interaction, souvent conflictuelle mais aboutissant aussi à des alliances, entre différents groupes et programmes de recherche. Ces processus sont relativement faciles à suivre dans des contextes où la psychologie possède une consistance institutionnelle : c’est le cas de l’« expulsion » de la métapsychique du domaine de la psychologie savante.
Si l’on se situe en aval de la psychologie telle qu’elle s’est institutionnalisée dès le dernier tiers du XIXe siècle, les processus de construction disciplinaire comportent aussi certains processus de marginalisation. Les psychologues du XVIIIe siècle se distancient du discours métaphysique sur la nature de l’âme et ses qualités de substance immortelle et immatérielle, pour se concentrer sur l’âme unie au corps et empiriquement connaissable. De même, ils mettent à l’écart certains modes de pensée (que résume souvent l’épithète « scolastique »), pour reformuler des questions philosophiques, morales ou logiques en mettant l’accent sur la connaissance empirique de l’âme. Toutefois, la construction des frontières de la psychologie au siècle des Lumières s’est faite en grande mesure à travers des mécanismes intellectuels inclusifs, propres à définir un