Le mariage et la construction de la réalité
Le mariage et la construction 1 de la réalité
La question de la forme du réseau familial apparaissait comme primordiale dans les années 1950 et 1960 lorsque le débat tournait autour des travaux de T. Parsons. Peu de recherches s’intéressaient à la construction sociale des rôles qui étaient censés découler des structures familiales. Le changement de perspective est à dater de l’article de P Berger et H. Kellner qui opère ce qu’on pourrait comparer avec F. de Singly2 à . une « révolution scientifique » en modifiant l’objet de la sociologie de la famille : les sociologues n’étudieront plus les structures familiales mais la construction sociale des rôles. Partant de la fonction durkheimienne de régulation des attentes et de la fonction parsonienne de stabilisation de la personnalité, les auteurs étudient la vie conjugale sous l’angle des effets de la vie en couple sur les personnalités individuelles. Publié dans sa première version en 1960, ce texte aboutira au célèbre livre sur La Construction sociale de la réalité.
Depuis Durkheim, c’est un lieu commun de la sociologie de la famille de dire que le mariage sert à l’individu de protection contre l’anomie. Quelque intéressante et pragmatiquement utile que soit cette perspective, elle n’estquelecôténégatifd’unphénomènedesignification bien plus large. Si l’on parle de situations anomiques, il faut aussi examiner les processus « nomiques » qui, par leur absence, conduisent aux situations mentionnées. Si, par conséquent, on trouve une corrélation négative entre le mariage et l’anomie, on doit être amené à examiner le caractère du mariage comme un instrument créateur de nomos, c’est-à-dire à considérer le mariage comme un engagement social qui crée pour l’individu une sorte d’ordre dans lequel sa vie prend un sens. Nous avons l’intention de discuter ici du mariage moderne dans cette perspective. On peut évidemment le faire dans une perspective macrosociologique, traitant le mariage comme une institution