INTRODUCTION Le nom propre était, pour les Anciens, lourd de sens et de symbolique. Dans l’épopée et dans la tragédie, voire dans la plupart des genres littéraires antiques, le nom servait souvent de vecteur important pour la caractérisation des personnages. Qu’il en révèle d’emblée l’identité ou se constitue selon le déroulement de l’action, il n’en reste pas moins que le nom du personnage constitue l’un des aspects les plus importants de sa description : en plus de le rattacher à un lignage mythologico-littéraire, il fournit également des indices sur la personnalité du héros et dévoilent éventuellement ses tribulations passées et les aventures qui l’attendent. Le nom d’Œdipe, héros du cycle thébain, ne fait pas exception à cette tendance onomastique et fait donc partie intégrante de la composition de la figure héroïque. Double, ambigu mais toujours singulièrement significatif, le nom de ce personnage antique a depuis longtemps intéressé les savants : l’étymologie onomastique est-elle signifiante ? le cas échéant, quelle étymologie faut-il choisir ? comment en insérer la signification à travers la trame narrative ? peut-on, enfin, la faire correspondre à tous les épisodes du récit œdipien et, bien plus, à chacune des phases de l’évolution du personnage ? Dans le cadre restreint de cette étude, nous avons choisi de nous consacrer à cette dernière question et, donc, à l’analyse du nom d’Œdipe dans son contexte sophocléen. En effet, l’Œdipe Roi de Sophocle constitue sans doute l’une des œuvres les plus achevées en ce qui concerne la figure œdipienne. Nous proposons donc de nous attacher, après avoir un fait court survol des questions relatives au nom propre dans l’Antiquité, à l’étude particulière du nom d’Œdipe et, par la suite, d’en dégager les grands axes de sa symbolique, en tentant de les harmoniser vers une identité unique mais complexe. Nous verrons enfin comment, dans la tragédie de Sophocle, le nom polysémique du héros est mis à profit au sein d’une