Le paysage desnos
LE PAYSAGE
J'avais rêvé d'aimer. J'aime encor mais l'amour
Ce n'est plus ce bouquet de lilas et de roses
Chargeant de leurs parfums la forêt où repose
Une flamme à l'issue de sentiers sans détour.
J'avais rêvé d'aimer. J'aime encor mais l'amour
Ce n'est plus cet orage où l'éclair superpose
Ses bûchers aux châteaux, déroute, décompose,
Illumine en fuyant l'adieu au carrefour.
C'est le silex en feu sous mon pas dans la nuit,
Le mot qu'aucun lexique au monde n'a traduit
L'écume sur la mer, dans le ciel ce nuage.
A vieillir tout devient rigide et lumineux,
Des boulevards sans noms et des cordes sans noeuds.
Je me sens me roidir avec le paysage.
Robert Desnos, « Le Paysage » in Contrée
Le commentaire composé :
Introduction :
Contrée est un des derniers recueils publiés du vivant de Robert Desnos. Ce recueil, fut publié en 1944, l’année où Desnos fut déporté pour ses activités de résistant, déportation dont il mourra un an plus tard, atteint du typhus. « Le Paysage » est donc un poème de la maturité. Desnos avait préalablement publié plusieurs recueils de poésie, et participé notamment au surréalisme. En 1944, il s’en était déjà écarté : ce n’est donc pas dans cette perspective qu’il faut lire « Le Paysage ». En effet, ce poème se présente comme un sonnet classique : faisant se succéder deux quatrains et deux tercets, et comportant un schéma rimique régulier, « Le Paysage » parle tout du long de l’amour à travers l’évocation d’un paysage. Nous sommes ici dans une thématique tout à fait traditionnelle. Les poètes de la Pléiade, les poètes baroques, puis les poètes romantiques voyaient également dans le paysage une émanation de l’amour. Il s’agira donc de voir de quelle façon Robert Desnos travaille-t-il le thème éternel de l’amour à travers une forme archi-codifiée – qui est celle du sonnet – à une époque où, en poésie, de multiples bouleversements ont mis à bas les grandes règles de la poésie.
Nous verrons donc dans