Le prudhomme
«Seigneurs, dit-il, je porte plainte contre cet homme qui, il y a quelques jours, me frappa méchamment avec un grappin : il m'a crevé l'œil, me causant ainsi un très lourd dommage. Je veux qu'on me rende justice ; je ne demande pas plus et je n'ai rien à dire d'autre. » L'autre répliqua sur le champ : « Seigneurs, c'est vrai que je lui ai crevé l'œil et je ne peux pas le contester. Mais je veux vous expliquer comment cela s'est passé afin de savoir si j'ai eu tort. Cet homme était en péril de mort, abandonné aux flots et sur le point de se noyer. Je lui ai porté secours et, je ne le cache pas, je l'ai frappé avec mon grappin. Mais c'est pour son bien que j'ai fait cela : car ainsi je lui ai sauvé la vie. Je n'ai rien d'autre à ajouter. Pour l'amour de Dieu, rendez-m'en justice. » Les juges étaient fort perplexes pour rendre une sentence. Mais un bouffon qui assistait au procès leur dit : « Qu'attendez-vous? Ordonnez que cet homme qui parla en premier soit remis à la mer,