Je traîne à la queue d’une tribu perdue, comme un animal des savanes hanté par le rythme d’un autre troupeau. 1 Sony Labou Tansi, romancier et dramaturge congolais, marque l’ouverture de la littérature africaine sur le monde. Assumant la vacuité d’une identité à jamais perdue, définitivement réinventée par la colonisation, celui qu’on appelle le « Black-Shakespeare » rompt le premier avec la représentation d’une Afrique fermée, îlot préservé des évolutions du monde. 2 Dans les années 1990, sur ses traces, de jeunes auteurs se tournent vers le théâtre avec la conviction que leurs pièces entreront sur la scène des écritures contemporaines. Le théâtre africain se confronte résolument à autrui, mettant fin à une prétendue spécificité colportée par l’imaginaire colonial fait de marabouts, de griots et de tam-tams. L’écriture veut déranger les préjugés occidentaux, et situer l’identité africaine là où on ne l’attend pas. Cependant, cette vision occidentale est elle- même fantasmée par les auteurs d’une nouvelle génération africaine qui se laissent emprisonner dans une image présumée d’eux- mêmes, comme si la perception européenne de l’Afrique n’avait pas changé depuis le XIXe siècle. La problématique de l’identité qui traverse leurs œuvres se fonde sur un complexe d’infériorité : les écrivains effacent mal la cicatrice saillante de la période coloniale, bien qu’ils se revendiquent de la génération des Indépendances, libérée des questionnements identitaires imposés par la domination européenne. Certes, ces dramaturgies surprennent, refusent de mettre la colonisation au premier plan, s’opposent à toute approche normative de l’identité africaine, mais derrière chaque personnage se dresse le spectre de la colonisation. 3 L’étude de la question identitaire dans ce théâtre s’appuie sur quatre auteurs : Koffi Kwahulé, metteur en scène et dramaturge d'origine ivoirienne né en 1956, Caya Makhélé, dramaturge, journaliste et romancier congolais né en 1954, Koulsy Lamko, né en 1959