lecture analytique institution des enfants
« et auquel, si vous ne la formez de bonne heure, la langue ne se peut plier. »
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Savoir par cœur n’est pas savoir : c’est tenir ce qu’on a donné en garde à sa mémoire.
Ce qu’on sait droitement, on en dispose, sans regarder au patron, sans tourner les yeux vers son livre. Fâcheuse suffisance, qu’une suffisance pure livresque ! Je m’attends qu’elle serve d’ornement, non de fondement, suivant l’avis de Platon, qui dit la fermeté, la foi, la sincérité être la vraie philosophie ; les autres sciences, et qui visent ailleurs, n’être que fard.
Je voudrais que le Paluel1 ou Pompée2, ces beaux danseurs de mon temps, apprissent des cabrioles à les voir seulement faire, sans bouger de nos places, comme ceux-ci veulent instruire notre entendement, sans l’ébranler ; ou qu’on nous apprît à manier un cheval, ou une pique, ou un Luth, ou la voix, sans nous y exercer, comme ceux-ci nous veulent apprendre à bien juger et à bien parler, sans nous exercer à parler ni à juger. Or, à cet apprentissage, tout ce qui se présente à nos yeux, sert de livre suffisant : la malice d’un page, la sottise d’un valet, un propos de table, ce sont autant de nouvelles matières.
A cette cause le commerce des hommes y est merveilleusement propre, et la visite des pays étrangers, non pour en rapporter seulement, à la mode de notre noblesse Française, combien de pas a Santa Rotonda3, ou la richesse de caleçons de la Signora Livia4, ou comme d’autres, combien le visage de Néron, de quelque vieille ruine de là, est plus long et plus large que celui de quelque pareille médaille, mais pour en rapporter principalement les humeurs de ces nations et leurs façons, et pour frotter et limer notre cervelle contre celle d’autrui. Je voudrais qu’on commençât à le5 promener dès notre enfance, et premièrement, pour faire d’une pierre deux coups, par les