Lectures d'alceste dans le misanthrope
Rousseau, McBride, Broody
Introduction
Le Misanthrope est une pièce un peu à part dans la production de Molière prêtant davantage au sourire qu’au rire. Certains en parlent comme de sa plus grande comédie, parce que c’est une pièce en vers en cinq actes, parce qu’elle aborde des thématiques « sérieuses » (la misanthropie, la sincérité, la nature humaine, la vie sociale, etc.) en s’éloignant radicalement de la farce pour aller jusqu’à adopter par moment un ton proche d’une tragédie, le plus haut genre dramatique d’un point de vue classique. Jacques Chupeau dans sa préface au Misanthrope déclare ainsi :
Si dans l’œuvre de Molière, Le Misanthrope occupe une place singulière, c’est que jamais le dramaturge n’a porté plus haut son effort pour rapprocher la comédie du théâtre sérieux.
La pièce se termine d’ailleurs différemment de la majorité de celles de Molière : Alceste se retire du monde, il y a bien mariage, mais ce n’est pas celui du couple principal. Au-delà de ces aspects, cette pièce a suscité bien des débats au travers de la diversité des réceptions qu’elle a suscitées, en particulier en ce qui concerne le personnage principal, Alceste. Dans ce travail, nous nous proposons tout d’abord de revenir brièvement sur le lien entre Alceste et les théories de l’honnêteté au 17ème avant de comparer deux réceptions postérieures à l’œuvre et particulièrement divergentes : celle de Rousseau, au 18ème siècle, celles de Broody et de McBride, assez proches entre elles, au 20ème siècle.
Alceste et les théories de l’honnêteté au 17ème
Pour le public mondain du 17ème siècle, le personnage d’Alceste s’écarte résolument des théories de l’honnêteté élaborées durant le 17ème . Plusieurs aspects de son comportement le condamnent irrémédiablement aux yeux du public de l’époque. Sa sincérité, tout d’abord, qu’il ne réserve pas à un cercle restreint mais qu’il utilise avec tout un chacun au risque de porter atteinte à l’honneur de