les confessions de saint augustain
POUR UNE DECONSTRUCTION DE SAINT AUGUSTIN, CONFESSIONS, XI1
Qu'est-ce donc que le temps ? Qui pourra l’expliquer clairement et en peu de mots ? Qui pourra, pour en parler convenablement, le saisir même par la pensée ? Cependant quel sujet plus connu, plus familier de nos conversations que le temps ? Nous le comprenons très bien quand nous en parlons ; nous comprenons même ce que les autres nous en disent.
Qu'est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais. Si je cherche à l'expliquer à celui qui m’interroge, je ne le sais plus. Cependant j’affirme avec assurance qu’il n’y aurait point de temps passé, si rien ne passait ; qu’il n’y aurait point de temps à venir, si rien ne devait succéder à ce qui passe, et qu’il n’y aurait point de temps présent si rien n’existait.
Il y a donc deux temps, le passé et l’avenir ; mais que sont-ils, puisque le passé n’est déjà plus, et que l’avenir n’est point encore ? Quant au présent, s’il était toujours présent, et ne tombait point dans le passé, il ne serait plus le temps, mais l’éternité.
Or, si le présent n’est temps que parce qu’il tombe dans le passé, comment pouvons-nous dire qu’il est, lui qui n’a d’autre cause de son existence que la nécessité de la perdre bientôt ? Donc, nous ne pouvons dire avec vérité que le temps existe que parce qu’il tend à n’être plus.2
Augustin, Les Confessions, Livre XI, ch. 14.
L’interrogation d’Augustin sur le temps paraît à première vue d’une simplicité déconcertante. Elle commence par la question abrupte de l’essence du temps : « Qu’est-ce donc que le temps ? », puis elle se déploie sous la forme d’une problématique aporétique :
« Si personne ne me le demande, je le sais. Si je cherche à l'expliquer à celui qui m’interroge, je ne le sais plus. ». Il semble impossible de dire l’essence du temps dont nous avons paradoxalement coutume de parler.
1. Nos citations du Livre XI des Confessions sont extraites de la traduction trad.