Les frontières
Comment penser les frontières en cette fin de XXe siècle ? Perçues comme une question marginale pendant des décennies, elles sont depuis les années 1990 une question centrale des relations internationales. Certes la frontière irlandaise, en Europe, et la frontière d'Israël, au Moyen-Orient, étaient considérées comme des cas particuliers de conflits territoriaux mais non comme des illustrations du problème général des frontières. Cette relative négligence à l'égard des frontières, pendant environ quarante ans, a temporairement masqué les incertitudes sur la nature, les fonctions et la signification de celles-ci, qui sont aussi vieilles que l'État souverain. Qu'est-ce qu'une frontière internationale ? Les frontières ne sont pas simplement des tracés sur une carte, un lieu géographique unidimensionnel de la vie politique, où un État finit et un autre commence2. Elles sont des institutions établies par des décisions politiques et régies par des textes juridiques. La frontière a été et, en bien des sens, demeure une institution politique de base : dans une société avancée, aucune vie économique, politique ou sociale régulée ne pourrait s'organiser sans elle. Les lois régissent des territoires clos, dans lesquels les systèmes juridiques impliquent qu'il y ait des frontières établissant un cadre à l'intérieur duquel on peut arbitrer les conflits et imposer des sanctions. Une justice distributive est indissociable de communautés spécifiques à l'intérieur de frontières définies ; la vie politique dans un État de droit nécessite des territoires et des populations définis, avec un accès restreint aux droits et aux devoirs qui forment la citoyenneté. Malgré l'introduction de la citoyenneté européenne, ces droits sont réduits par les frontières d'État - même une revendication de nationalité par le jus sanguinis implique un lien avec un État et un territoire. Comme l'a montré la Convention de Vienne sur la succession des États de 1978, le caractère primordial