Les justes, camus.
Acte I. L'appartement des terroristes. Le matin.
Le rideau se lève dans le silence. Dora et Annenkov sont sur la scène, immobiles. On entend le timbre de l'entrée, une fois. Annenkov fait un geste pour arrêter Dora qui semble vouloir parler. Le timbre retentit deux fois, coup sur coup.
ANNENKOV – C'est lui. Il sort. Dora attend, toujours immobile. Annenkov revient avec Stepan qu'il tient par les épaules. ANNENKOV – C'est lui ! Voilà Stepan.
DORA, elle va vers Stepan et lui prend la main. - Quel bonheur, Stepan !
STEPAN – Bonjour, Dora.
DORA, elle le regarde. - Nous t'attendions. Le temps passait et mon cœur se serrait de plus en plus. Nous n'osions plus nous regarder. ANNENKOV – Il a fallu changer d'appartement, une fois de plus.
STEPAN – Je sais. DORA – Et là-bas, Stepan ?
STEPAN – Là-bas ? DORA – Le bagne ? STEPAN – On s'en évade.
ANNENKOV – Oui. Nous étions contents quand nous avons appris que tu avais pu gagner la Suisse. STEPAN – La Suisse est un autre bagne, Boria.
ANNENKOV – Que dis-tu ? Ils sont libres, au moins. STEPAN – La liberté est un bagne aussi longtemps qu'un seul homme est asservi sur la terre. J'étais libre et je ne cessais de penser à la Russie et à ses esclaves. Silence
. ANNENKOV – Je suis heureux, Stepan, que la parti t'ait envoyé ici. STEPAN – Il le fallait. J'étouffais. Agir, agir enfin... Il regarde Annenkov. Nous le tuerons, n'est-ce pas ?
ANNENKOV – J'en suis sûr.
STEPAN – Nous tuerons ce bourreau. Tu es le chef, Boria, et je t'obéirai.
ANNENKOV – Je n'ai pas besoin de ta promesse, Stepan. Nous sommes tous frères.
STEPAN – Il faut une discipline. J'ai compris cela au bagne. Le parti socialiste révolutionnaire a besoin d'une discipline. Disciplinés, nous tuerons le grand-duc et nous abattrons la tyrannie. DORA, allant vers lui. - Assieds-toi, Stepan. Tu dois être fatigué, après ce long voyage.
STEPAN – Je ne suis jamais fatigué. Silence. Dora va s'asseoir. STEPAN