Les lances du crépuscules
359
COMPTES RENDUS D'OUVRAGES
Philippe DESCOLA. Les lances du crépuscule, Relations Jivaro, Haute-Amazonie. Plon/ Terre Humaine, Paris, 1993, 506p. Presque quarante ans après Tristes Tropiques (Lévi-Strauss, 1955) et plus de vingt ans après Chroniques Guayaki (Clastres, 1972), la collection “Terre Humaine” redore aujourd’hui le quartier amazonien de son blason avec Les lances du crépuscule de Philippe Descola (1993). L’ouvrage ne dépare en rien le prestigieux catalogue où il s’inscrit, et dont le volet sudaméricaniste comprend également Aimables Sauvages (Huxley, 1960), et Yanoama (Biocca, 1968). Ce gros livre d’un peu plus de 500 pages, illustré de 47 photos et de 10 dessins signés Philippe Munch, s’adresse à des lecteurs très divers, et nul doute qu’aussi bien le grand public cultivé que les professionnels de l’ethnologie sauront en faire leur miel. Les premiers s’attacheront à la description, de facture sciemment classique, d’une fascinante société exotique, ainsi qu’à la narration, toujours détaillée mais jamais égotiste, des conditions de déroulement d’une enquête ethnologique. Les seconds, autant qu’aux leçons théoriques qui émaillent le récit (et que complètent un très bel essai bibliographique renvoyé en appendice), seront sensibles au traité d’ontologie jivaro qui s’inscrit en filigrane dans le texte (1), et plus généralement, à la précision et à la finesse des observations ethnographiques qui y fourmillent. Enfin, bon nombre des uns et des autres se laisseront séduire par la vigoureuse rhétorique des chants et des incantations propitiatoires que les Jivaro-Achuar entonnent dans les occasions les plus diverses (jardinage, chasse, amour, fêtes, guerre...), et dont l’auteur parsème son texte avec bonheur. En contrepoint des réflexions qu’il consacre aux vendettas, à la chasse aux têtes et à la violence conjugale, Descola apporte ici la preuve que l’indéniable brutalité des