Les lumières
Le Dictionnaire philosophique est conçu par Voltaire pour compléter l’Encyclopédie. Il se présente comme une suite d’articles dans lesquels l’écrivain peut développer avec force, dans le registre polémique, ses réflexions sur l’intolérance, la torture, la guerre ou le fanatisme.
FANATISME
Le fanatisme est à la superstition, ce que le transport est à la fièvre, ce que la rage est à la colère. Celui qui a des extases, des visions, qui prend des songes pour des réalités, et ses imaginations pour des prophéties, est un enthousiaste ; celui qui soutient sa folie par le meurtre est un fanatique (…). Il n’y a d’autre remède à cette maladie épidémique que l’esprit philosophique qui, répandu de proche en proche, adoucit enfin les mœurs des hommes, et qui prévient les accès du mal ; car dès que ce mal fait progrès, il faut fuir, et attendre que l’air soit purifié. Les lois et la religion ne suffisent pas contre la peste des âmes ; la religion, loin d’être pour elles un aliment salutaire, se tourne en poison dans les cerveaux infectés. Ces misérables ont sans cesse présent à l’esprit l’exemple d’Aod, qui assassine le roi Eglon ; de Judith, qui coupe la tête d’Holopherne en couchant avec lui ; de Samuel, qui hache en morceaux le roi Agag : ils ne voient pas que ces exemples qui sont respectables dans l’Antiquité, sont abominables dans le temps présent ; ils puisent leurs fureurs dans la religion même qui les condamne. Les lois sont encore très impuissantes contre les accès de rage ; c’est comme si vous lisiez un arrêt du Conseil à un frénétique. Ces gens-là sont persuadés que l’Esprit-Saint qui les pénètre est au-dessus des lois, que leur enthousiasme est la seule loi qu’ils doivent entendre. Que répondre à un homme qui vous dit qu’il aime mieux obéir à Dieu qu’aux hommes, et qui en conséquences est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant ? Ce sont d’ordinaire les fripons qui conduisent les