les mains libres
Ce dessin est énigmatique à plusieurs titres : le sexe de la créature ainsi représentée est difficile à déterminer : la finesse des traits du profil et de la main, les cheveux blonds mi-longs suggèrent plutôt une jeune femme, ou à la rigueur un très jeune homme. Mais la poitrine n'a pas de seins, qui sont remplacés par des ailes curieusement attachées devant et non derrière, à la différence des Victoires antiques ou des anges : par ailleurs ces ailes sont bien trop petites pour lui permettre de voler, même en rêve... Et enfin le pubis a une forme qui n'est pas franchement triangulaire, à la différence des autres nus du recueil. Le titre du dessin, « Nu », ne nous éclaire guère non plus, puisqu'il reprend le terme générique que l'on donne en art à tous les modèles dévêtus, qu'ils soient masculins ou féminins. par ailleurs, rien n'explique dans le dessin le mouvement du corps qui semble partir à la renverse, ni le geste d'effroi ou de protection qui fait manifestement reculer ce personnage : ses yeux sont levés vers un hors-champ qui restera pour nous mystérieux, et sa bouche semi-ouverte pousse peut-être un cri que le dessin ne peut pas restituer.
Comme Man Ray n'a donné aucune indication qui permette d'éclairer cette scène à coup sûr, si nous voulons dépasser le stade de la description impuissante, nous devons tenter de la contextualiser avec la prudence qui s'impose, en n'oubliant pas qu'il ne s'agit que d'hypothèses, même raisonnables. 2. Si l'on admet d'abord que cette scène représente autre chose qu'une simple vision onirique, il faut chercher dans l'art occidental à quel modèle elle peut bien se référer ; or si les angelots peints ou sculptés qui peuplent les murs des églises, en particulier baroques, empruntent fréquemment