Les chasseurs d'esclaves de joseph kessel
C’est quelque esclave qui se sera endormi en route. Si son maître ne l’avait pas vu arriver ce soir, il le lui eût fait payer cher… Le lendemain, nous déjeunions chez M. Frangipane, diplomate italien, qui attendait l’arrivée du nouveau consul d’Italie, pour se rendre à la légation d’Addis-Abéba. Le repas que nous prîmes chez lui fut un plaisir continu. Il connaissait la littérature française aussi bien que les mœurs abyssines. Il parlait aussi bien des derniers livres publiés à Paris que des manuscrits des couvents …afficher plus de contenu…
La peau du bœuf fut enlevée en quelques instants par des doigts qui tremblaient armés de griffes, et les lambeaux saignants, fumants, arrachés, déchiquetés, passèrent de main en main. Les lèvres et la viande chaude ne faisaient plus qu’une chair, les mâchoires claquaient, les yeux chaviraient d’extase. La vieille et l’enfant, plus faibles, criaient pour parvenir à la ripaille. Quand ils purent se frayer un passage, il ne restait plus rien. Ils prirent les intestins, les pressèrent pour en faire sortir les excréments et les portèrent avec délice à leur bouche. La nuit tomba. Les charognards arrivaient en vol pressé. Une lumineuse douceur flottait sur les arbres confus d’Araoué. Dans le jardin, on voyait des groupes accroupis, et l’on entendait craquer les os sous des dents puissantes. Tandis que les esclaves achevaient de dévorer le bœuf tout cru, tout chaud, les