Les âges de la vie
LA comparaison des portraits de Jeanne dans le roman Une vie de Guy de Maupassant permet de saisir divers compréhensions des « âges de la vie ». La première est physique, elle révèle un déclin de vitalité, érodée par le temps et les catastrophes vécues: la jeune femme « pleine de sèves »(p.28) laisse place à une « vieille en face de sa vie misérable étalée devant elle sur une table »(p.217). Une seconde approche est celle de la vieillesse, elle est murissement de l’esprit mais aussi renaissance à travers la descendance comme l’illustre les dernières pages du roman, jouant de l’image du beau jour de printemps. Nous avons ici évoqué les termes « jeune » ou « vieille » sans parler d’âges précis; en effet ceux-ci sont le produit de nos représentations personnelles et culturelles: le premier âge de la vie peut être considéré dès la formation de l’embryon (mouvement pro-life américain). Cependant il nous est impossible d’ignorer les changements physiques, de la puberté aux rides, engendrés par le temps. Nôtre corps reflète donc nôtre vécu ainsi que les vies antérieures à notre existence via nos caractères innées. Le passage de la naissance à la mort est ponctué de ruptures qui font partie du vivant, or les sauts physiques s’accompagnent d’un mouvement linéaire d’assimilation d’expériences au cours du temps. Alors est-ce que la représentation que le vivant se fait des âges de sa vie lui permet de vivre plus pleinement le temps qui lui est imparti ? Nôtre représentation découle du vivant (I) mais celle de l’homme peut s’avérer dangereuse pour son existence (II) bien qu’elle puisse nous amener à profiter de nôtre vie et à en faire profiter les autres (III).
« La pensée du vivant doit tenir du vivant l’idée du vivant » énonce Canguilhem dans Le concept et la vie. En nous basant sur cette approche préalable du vivant, cela doit-il nous pousser à découper la vie en périodes (à en faire une anatomie littéralement) suivant un certain degré de