Liberalismo
Que l’on doive à John Stuart Mill la première formulation et lapremière justification authentiquement libérales du principe detolérance, reposant sur la promotion de l’autonomie et de la diversité,cela ne fait pas question1. En mettant l’accent de manière inédite surl’importance de la sphère individuelle de liberté et sur la valeur moraleet politique de la diversité sociale, Mill a défini une conceptiongénérale de la tolérance dont le noyau dur ne sera pas vraiment remisen cause dans la tradition libérale jusqu’à John Rawls. Le philosophebritannique a su mettre en œuvre différents arguments issus destraditions utilitariste et romantique pour défendre l’idéal d’une sociétéaccueillant les différences individuelles et encourageant l’originalitédans un régime de tolérance. Les traditions utilitariste et romantique,que nous pouvons personnaliser sous les figures de Jeremy Bentham 2 et de Wilhelm von Humboldt3, se présentent comme des doctrinestéléologiques promouvant respectivement une finalité sociale, à savoirla maximisation de l’utilité agrégée, et une finalité individuelle qui estla réalisation de soi. Ces deux traditions convergent chez John StuartMill, érudit et éclectique, qui cherche à concilier la dimensionconséquentialiste issue de l’utilitarisme et la dimension moraleperfectionniste issue du romantisme humboldtien.Mais ce qui fait l’originalité de l’œuvre de Mill, au confluent dedeux courants philosophiques, est aussi ce qui fait problème. En effet,la justification de la tolérance repose sur la promotion de la perfectionmorale qui réside dans le développement complet des facultés de ’individu, de son caractère et de son autonomie. Pour que cedéveloppement soit possible, Mill considère que l’individu doit jouirde la liberté de choix la plus étendue possible. Nous reviendrons endétail sur le raisonnement mis en œuvre par Mill dans son essai de1859, De la liberté (On Liberty ), et il suffit pour