Litterature et philosophie
Que nous apprend la littérature ? Bouveresse, Zola et l’« esprit éthique »
Philippe Sabot Université Lille 3 UMR 8163 « Savoirs, textes, langage » L’objet du présent article est de revenir sur un certain usage du littéraire en philosophie qui, pour être relativement dominant aujourd’hui dans le champ des études philosophiques consacrées à la littérature, n’en mérite pas moins d’être interrogé sur ses présupposés et ses enjeux. Cet usage consiste à attribuer à la littérature une dimension ou même une fonction halshs-00746767, version 1 - 29 Oct 2012 cognitives déterminantes, particulièrement pertinentes et actives dans le domaine de la « vie morale », dont elle serait à même de mettre au jour à la fois la complexité et l’inventivité. Nous souhaitons mettre à l’épreuve une telle hypothèse en en exposant les attendus et les bénéfices, mais aussi en en soulignant les limites. Ce qui est immédiatement en jeu dans le type d’études auquel il est fait référence ici, c’est la capacité de la littérature (sous toutes ses formes) à nous apprendre quelque chose, à nous fournir donc une connaissance d’une certaine sorte. En réalité, il ne va pas de soi du tout que la littérature ait vocation à connaître ou à faire connaître quoi que ce soit. Il est possible de penser en effet que ce n’est pas son affaire, du moins pas son affaire principale, en tout cas rarement l’affaire principale de ceux qui écrivent, justement parce qu’ils s’attachent d’abord et avant tout à écrire, sans doute pas d’ailleurs à écrire pour écrire mais aussi (et pourquoi pas ?) à écrire pour divertir leurs lecteurs – soit, au sens propre de l’expression, pour les détourner un instant de la réalité du monde et de leurs préoccupations quotidiennes en les faisant entrer dans un monde fictif ou poétique... Il importe donc de déterminer plus précisément la nature de