Littérature
Marin Marais, dans Tous les matins du monde de Pascal Quignard paru en 1991, est un personnage central, au parcours initiatique, marqué par une blessure initiale, sa voix. Sa vie est marquée par le dilemme entre la musique de cour permettant l'ascension sociale, et la musique vraie élevant l'âme et « réveill[ant] les morts ». Aussi, en quoi Marin Marais est-il un personnage au cœur du roman quignardien ? D'une part, à l'instar de son maitre Sainte Colombe, Marais est frappée par une blessure, la mue, alors il se réfugie dans la musique. D'autre part, afin de se venger de la perte de sa voix d'enfant, sa vie d'adulte est marquée par sa volonté de devenir un « violiste renommé ».I] La blessure initiale, la muea) Perte de la voixSi Marin Marais doit partager un trait commun avec Sainte Colombe, c'est la blessure initiale. Alors que Sainte Colombe perd sa femme avec un regret éternel, Marin Marais se sépare de sa voix d'enfant, ce dont il est marqué ad vitam aeternam. Pascal Quignard présente cet évènement – notamment dans La Leçon de musique – comme une fatalité tragique, une faille existentielle, nonobstant que ce soit une évolution naturelle. Au chapitre VIII, interprétant les données historiques sur Marin Marais, l'écrivain dresse de lui un portrait : né en 1656 à Paris, fils de cordonnier, « reçu enfant de chœur » le 15 Avril 1667 à Saint-Germain-l'Auxerrois alors qu'il est d'une famille modeste. Justement, cette chantrerie qu'il intègre est prestigieuse. En son sein, il a côtoyé Jean-François Lalouette (1651-1728), Michel-Richard Delalande (1657-1726), ce dernier ayant conservé un peu plus longtemps sa voix d'enfant (p. 42). Alors que dans La Leçon de musique Quignard annonce son départ, de plein gré, de la chantrerie le 9 septembre 1672, après avoir, à seize ans, « perdu sa voix puérile depuis longtemps », avec sérénité et quelques sous d'épargnés, le romancier fait de ce départ un choc, brutal, presque